Roses, bleues, jaunes, les enrubannées solidaires
La première fois que j’ai aperçu cette longue rangée multicolore de balles d’ensilage au bord de la route qui va de Lesneven à Lannilis, je me suis dit : « Tiens voilà qui nous change de ce vert ou de ce noir tristounets dans la paysage ! » Mais ce n’est pas seulement pour des raisons d’esthétique que les éleveurs ont adopté les films colorés. En témoigne Jean-Yves Caraës, agriculteur à Pellain sur la commune de Lanarvily.
« C’est à dessein que j’ai stocké ces rounds de couleur au bord de cette route très passante. Mais ce n’est pas d’abord pour faire joli … Je voulais que cela interpelle les automobilistes et les passants.C’est pour une bonne action : financer la recherche contre les cancers . »
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L’initiative vient de loin puisque c’est en 2014 qu’un agriculteur néo-zélandais dont la femme souffrait du cancer du sein a réussi à convaincre le fabricant Trioplast de développer un film de couleur rose pour lever des fonds pour la recherche sur ce cancer. Depuis l’idée a fait tâche d’huile et de nouvelles couleurs sont apparues pour les films d’enrubannage : le bleu en 2015, pour le cancer de la prostate et le jaune en 2017-2018 pour les cancers infantiles.
Trioplast, devenue Trioworld, déclare que cette initiative a permis de récolter – tous pays confondus - 883 685 € remis a différentes associations caritatives .
En partenariat avec l’ARC
En France l’opération se déroule en partenariat avec l’ARC (Association pour la Recherche contre le Cancer). Déjà ce sont plus de 30 000 € que les balles de couleur ont permis de récolter. Comment ça marche ? Sur chaque film d’enrubannage de couleur 2 euros sont reversés à l’ARC, un euro est pris en charge par le fabricant Trioworld, l’autre par le distributeur ; celui-ci peut choisir de le répercuter ou non à l’éleveur . Un film permet d’enrubanner trente balles environ . Il coûte de 70 à 80 €, pas plus cher au final que les films ordinaires.
« Moi, c’est en 2016 que j’ai commencé les balles roses sur proposition de l’entreprise de travaux agricoles Mao de Lannilis qui ne m’a pas facturé un euro de plus. Mais cela dépend de l’entreprise avec qui on travaille. » déclare Jean-Yves Caraës
Son initiative lui a valu des retours sympathiques et un dessinateur, qui est malheureusement resté anonyme, lui a proposé d’agrémenter ces balles de dessins humoristiques.
L’année suivante le chauffeur de l’enrubanneuse propose de changer de couleur à chaque coupe d’ensilage . {{}} « C’est bien pratique pour gérer l’alimentation des animaux : grâce au code couleur je peux facilement réserver les meilleurs rounds aux jeunes génisses et ceux de moins bonne qualité aux génisses de deuxième année et aux vaches taries.
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L’entreprise Mao nous a signalé que de plus en plus d’agriculteurs réclament de choisir la couleur du film pour différencier les parcelles ce qui complique un peu le travail mais n’entraîne pas de coût supplémentaire pour l’éleveur.
Techniquement les films de couleur ont les mêmes propriétés que les autres ; ces couleurs claires limitent les échauffements des balles et le fourrage est ainsi mieux protégé. « Quant à moi je n’ai pas constaté plus de dégâts par les rongeurs ou les oiseaux sur ce type de rounds » affirme l’éleveur.
Alors pourquoi ne voit-on pas plus de balles de couleur ? « C’est sans doute un peu à cause du Covid, mais je pense que tous les distributeurs n’acceptent pas de jouer le jeu ... Et il faudrait plus de communication auprès des CUMA et du grand public. » regrette Jean-Yves Caraës qui va bientôt prendre sa retraite. Il espère que plus d’agriculteurs adopteront les balles de couleur, une belle façon d’afficher sa solidarité dans la lutte contre les maladies.